vendredi, 11 novembre 2011

Malédiction du sang de Celia Rees

Malediction du sang

Depuis un an, Ellen est atteinte d'une drôle de maladie : elle est toujours fatiguée et affaiblie et les médecins ne savent pas pourquoi. En repos forcé chez sa grand-mère, elle va trouver au grenier des vieux journaux. Il s'agit de ceux tenus en 1878 par son arrière-arrière-grand-mère Ellen Laidlaw. Elle fut une des femmes médecins les plus connues pour ses travaux sur le sang.
Or, quand la Ellen d'aujourd'hui lit ses carnets écrits au XIXème siècle par une fille de son âge, elle fait une découverte bizarre. Le père de son aïeule soignait un vampire et celui-ci avait des vues sur la jeune fille. Ellen comprend tout de suite de quoi il en retourne, mais pas son arrière-arrière-grand-mère, car à cette époque, le livre de Bram Stocker n'était pas encore paru.
Aidée par Andy, un ami d'enfance (et même un peu plus maintenant), Ellen va retracer l'histoire de son aïeule et tenter de comprendre comment le mal dont elle souffre aujourd'hui pourrait être lié à ce passé familial.


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Celia Rees est l'auteure de l'inoubliable Journal d'une sorcière. Elle se lance ici dans une veine qui est très à la mode : les histoires de vampires.
Et celui de Celia Rees, le comte Fransz Szekelys, est dans une lignée classique : terre consacrée, amateur de sang, pas de reflet dans le miroir... Il n'en reste pas moins que le récit est plutôt prenant. D'abord, le rapport passé/présent où l'on sait très bien que la Ellen du XIXème siècle est face à un vampire alors qu'elle l'ignore. Ensuite dans la troisième partie qui devient plus une course-poursuite.
Certains passages sont très bons et les ambiances sont bien décrites. Il est certain que je n'aimerais pas croiser le comte dans une rue sombre du Londres du XIXème siècle. A un moment, j'ai même pensé à Jack l'Eventreur. Autant vous dire qu'on s'y croit.
Pourtant, certains petits détails m'ont dérangé, notamment la grande facilité avec laquelle les personnages affrontent les épreuves. Ce qui est d'abord décrit comme insurmontable se trouve résolu avec une facilité déconcertante. La corde est un peu grosse parfois.
Malédiction du sang est donc un livre intéressant, avec des passages excellents, mais est loin d'être mon roman préféré de Celia Rees.

vendredi, 19 juin 2009

Honneur à Maupassant

C’est Claude Santelli qui va être content, là où il se trouve. Nul autre mieux que lui n’a tracé le sillon Maupassant à la télévision. On s’en souviendra le 6 mars lorsque France 2 donnera à 20h50 le coup d’envoi de sa nouvelle collection “Maupassant” marquée par l’adaptation de quatre contes de 30 minutes et quatre nouvelles de 60 minutes confiée à des pointures de la réalisation et du scénario. Ca commencera ce soir-là par La parure (Claude Chabrol) et Histoire d’une fille de ferme (Denis Malleval). Ça se poursuivra quatre semaines durant avec Le père Amable, L’Héritage, Miss Harriet, Hautot père et fils, Toine, Deux amis. On a tous un Maupassant de chevet. Moi, c’est La Chevelure. Prétexte pour revisiter le bonhomme.

La maison Marpon et Flammarion édite en 1885 La Chevelure publié un an avant par le Gil Blas. On pourrait le présenter ainsi : un médecin donne à lire au narrateur le journal d’un fou, lequel, amateur d’antiquités, avait acquis un jour un vieux meuble italien renfermant une chevelure ; sa découverte l’obséda au point de ne plus jamais s’en séparer où qu’il fut, allant jusqu’à assurer avoir possédé la défunte femme à qui elle appartenait ; jugé fou, il fut enfermé. On pourrait également l’évoquer comme l’histoire d’un écrivain obsessionnel que rien n’excitait davantage chez une femme que toison, poils et cheveux. La chevelure féminine inspire alors des poètes mais chez Maupassant, c’est âpre, irrégulier et sombre, loin des métaphores filées du blason de Baudelaire et de l’impeccable technique du sonnet de Mallarmé. On pourrait y voir le portrait en creux de tout collectionneur. On pourrait tout aussi bien écrire : c’est l’histoire d’un homme se promenant dans le parc d’un asile d’aliénés et qui, apercevant des femmes en cheveux marchant dans la rue, s’agrippe aux grilles et les hèle : « Vous êtes nombreuses là-dedans ? » Le fait est que sa prise de conscience de la folie qui le gagne date de cette parution, plusieurs années après la manifestation des premiers symptômes. D’ailleurs, il n’y voit plus clair. Pas assez pour lire, juste assez pour écrire. Un implacable pressentiment de sa démence lui annonce son entrée dans le chaos. Sa lucidité sur lui-même est effrayante. Il se sent s’enfoncer tandis que son moi se vaporise ; cette intuition de l’intime désastre à l’œuvre ne fait que précipiter le basculement de l’autre côté.

Maupassant est un obsessionnel par tempérament. Le sexe bien sûr, et les fantasmes qui y sont attachés, mais pas seulement. Il est obsédé par quelques principes qu’il s’est fixés à jamais : ne pas être dupe, conserver une indépendance absolue, mettre à distance honneurs et académies. Maupassant est un faune que la mondanité pour la mondanité précipite dans une humeur massacrante ; la médiocrité de la vie de salons accable celui qui se veut un homme des bois, cours d’eaux et forêts. Rien ne vaut la solitude au sein de la nature. Ce n’est pas seulement un nihiliste assoiffé d’absolu mais un retranché de la société, jamais vraiment débarrassé de sa naïveté. Etretat reste le lieu géométrique de toutes ses passions. Au fond, il demeurera jusqu’au bout « le jeune homme d’une innocence départementale » pointé par Balzac. Alors, le timbré ? Une trentaine de récits de cas relevés dans sa bibliographie constitue le casier littéraire du suspect. Fou ?, La folle, Denis, Un fou ? Lettre d’un fou, Lui ? Qui sait ? sans oublier bien sûr le plus fameux Le Horla. Plus tard, la fin jetant une lumière noire sur le reste, on voudra reconnaître partout sous sa plume les masques de la folie, dans Fort comme la mort et Mont-Oriol, dans La Petite Roque comme dans Sur l’eau. Il est vrai qu’il a mis toute une œuvre à tourner autour de la mort et de son image. Il n’a pourtant pas mené sa vie comme s’il avait la nostalgie de la mort ; gardons nous de divaguer sur sa dilection pour le canotage de nuit, les voies du rameur sont impénétrables. Mais il serait des rares à ne pouvoir supporter que l’on écrive sur la folie autrement qu’en connaissance de cause.

Charcot, ah, Charcot grâce à qui toute femme est désormais suspecte d’hystérie… Même sainte Catherine de Sienne et sainte Marguerite de Cordoue ! Maupassant le tourne en dérision dans les colonnes du Gil Blas : « Nous sommes tous des hystériques depuis que Charcot, cet éleveur d’hystériques en chambre, entretient à grand frais, dans son établissement modèle de la Salpêtrière, un peuple de femmes nerveuses auxquelles il inocule la folie, et dont il fait en peu de temps des démoniaques ». Charcot de la Salpêtrière n’apprécie pas. Ni ça ni le reste. Une écriture de malade dès lors que la main à plume cesse de peindre la nature pour raconter des histoires. Aussi, lorsqu’il apprend que sa raison commence à vaciller, il lui fait savoir que le territoire de sa leçon publique lui est désormais interdit. On n’est pas plus élégant. Mais Charcot a tout compris depuis le début de cette torture inconnue qui le ronge. Là où les autres évoquent encore un trop profond commerce avec le morbide et le macabre, l’empire de la névralgie, la fragilité nerveuse, l’hyperexcitabilité congénitale, l’autoscopie, l’agraphie, l’hypocondrie, la répétition des comas et des crises épileptiformes, il délivre dès le début un diagnostic des plus précis : démence syphilitique. Il ne se trompe même pas sur le moment de la fin, celui où le malade sera définitivement hors-là. Maupassant, le mauvais passant que la simple visite d’un cimetière mélancolise, se remémore un fait divers nécrophile de 1849 en écrivant La Chevelure : le sergent François Bertrand violait les sépultures de femmes enterrées depuis peu. Errant par l’esprit entre les tombes, Maupassant n’est plus qu’un chien hurlant dans les ténèbres, seul à savoir que les ténèbres sont en lui. Quel est cet homme qui surgit face à lui dans le miroir ? Un ours des Pyrénées à l’allure de paysan du Danube. Il se voit lui-même devant lui. Il se retourne, son double est assis dans son fauteuil. Pendant des années, il va suivre son propre enterrement, perdu dans le cortège de ses admirateurs et de ses maîtresses. La mémoire s’effiloche, la vision se trouble, ses gestes le trahissent, son pessimisme fondamental le mine, le sentiment du vide le travaille. Il en faut moins pour se résigner au néant. Lui que la névrose d’échec habite en permanence, le voilà qui échoue même à se tuer. Il se tire une balle dans la tête mais il n’y a pas de balle dans le barillet, où avait-il la tête ! Il se tranche la gorge avec un couteau mais ce n’est qu’un coupe-papier, écrivain jusqu’au bout !

Un jour, à la clinique du docteur Blanche, le dément de la chambre 15 réclame en pleine crise qu’on lui passe la camisole. Sa vie n’est plus qu’une suite de délires et d’hallucinations, jusqu’à la paralysie générale. Les mauvaises langues prétendent qu’il aboie. Les Goncourt ne le ratent pas : ils annoncent dans Paris que Guy de Maupassant s’animalise. Son corps s’épuise en convulsions, sa tête est une émeute, son regard grouille d’insectes. Il parle au mur. Un jour de juillet 1893, le mur perd son compagnon. Ses derniers mots : « Des ténèbres, oh, des ténèbres ».

vendredi, 20 février 2009

Le nouveau Dantec

dantec

Et voilà, le nouveau Gédéon est sorti en janvier 2009!! A la base je l'ai acheté pour la St Valentin de ma krokette. Mais trop curieuse, je l'ai lu dans les jours qui ont suivis et terminer en 3 jours.

Bref résumé :
France. De nos jours. Braquage d’une poste en banlieue sud de Paris. Efficace. Millimétré. C’est le dernier larcin commis par le narrateur et sa compagne, Karen, fugitifs échappés d’un « centre de regroupement » où sont parqués les porteurs d’un « neurovirus génétique », le syndrome de Shiron-Aldiss, qui leur permet des « états augmentés » considérés comme psychogènes par les autorités. D’où un marquage spécial de ces citoyens. Dans le même temps, dans la station Mir en déroute, trois cosmonautes sont en perdition avec à bord un passager inattendu, Albert Ayler, fantôme d’un saxophoniste mort en 1970. A l’autre bout de la chaîne, Karen et le narrateur sont les seuls témoins de cette mystérieuse apparition qu’ils partagent même au cours de crises auto-stimulées provoquée par le neurovirus. Ayler explique à Karen qu’il est un ange en pénitence dans les limbes, qui trouvera sa rédemption grâce au sauvetage de la station Mir. La fuite des héros continue : Maroc, Afrique Noire, Abidjan. Cette nouvelle alliance agit dans les deux sens : grâce à Ayler, Karen se retrouve dotée de pouvoirs surnaturels. En échange de ses dons, elle accepte le sacrifice à venir…

Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute est en fait une nouvelle qu'il avait écrite avant 2001 pour figurer dans un recueil de nouvelles. Or celui-ci n'a jamais vu le jour et Maurice G. Dantec n'avait d'ailleurs pas fini d'écrire sa nouvelle. Ce n'est que récemment qu'il l'a reprise et complétée, à l'initiative en effet de son éditeur. Voir le site E-Déo .
Dantec renoue (enfin!) avec la veine romanesque, et nous plonge dans une cavale angoissante au rythme d'une musique de jazz... Mélangeant métaphysique, polar et science-fiction, il bascule perpétuellement entre le réel et l'imaginaire et réussit une fois de plus à créer de vrais héros de fiction (comme on les aime, avec leur grande gueule, leurs bagarres sanglantes et leur cœur tendre). Malheureusement, j'ai trouvé l'intrigue un peu courte : alors que le début est palpitant, on ne comprend pas trop pourquoi au milieu du roman nos évadés justiciers ("qui volent l'état qui essayait de leur voler leurs vies"...) se retrouvent à communiquer avec un jazzman perdu sur une station spatiale... J'ai un peu eu la sensation que Dantec a fait se croiser deux histoires sans en approfondir aucune. La chute aussi m'a un peu déçue, elle n'apporte aucune explication à tout ce qu'il a mis en place.
”12 ans plus tard” Maurice tombe sur son vieux manuscrit. “David Kersan le lut, et parvint à me convaincre que sa publication pourrait ne pas être inutile.” Bel euphémisme… Dantec laisse filer sa plume (ses doigts sur le clavier) et l’histoire est terminée. Il faut croire que le romancier ne devait pas avoir beaucoup de temps. Le début du livre (les 150 premières pages peut-être) est cohérent : l’auteur prend le temps de camper son action, déroule une à une les étapes de l’intrigue, esquisse même une critique sociale (au niveau de l’enfermement, de la prise en charge des maladies psychiatriques, etc). Puis après moultes bagarres, le thriller crève, avorte : l’intrigue est dénouée en quatre pages, en aussi peu de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Voir le blog de The Dude .

Félicitations pour le titre tout de même, que je trouve très poétique !

J'attends vos avis.

mardi, 12 août 2008

Journal d'une sorcière

journal d'une sorcière

Mary vit depuis toujours avec sa grand-mère et apprend à connaître les plantes. Mais voilà, elles sont accusées de sorcellerie . Mary a vu sa grand-mère exécutée pour sorcellerie et pendue en place publique. Avant que les furieux de son village ne lui fasse subir le même sort, de bonnes âmes arrangent son passage vers les amériques en compagnie d'un groupe de puritains.Une dame mystérieuse enlève la petite Mary et la confie à un groupe de puritains qui partent pour le Nouveau Monde Ceux-ci en cette année 1659 fuient en masse l'Angleterre. Cromwell est mort depuis peu et une restauration des Stuart semble inévitable. Marie a 14 ans, personne au monde vers qui se tourner et elle est en route vers Salem dans un "nouveau monde" de liberté. Malheureusement les peurs des hommes qui voyagent avec eux et plus l'horizon s'assombrit plus elles se font puissantes.
Elle est prise sous la coupe d'une femme seule, Martha, qui va la protéger comme sa propre fille. La traversée est longue et difficile mais elle va révéler à Mary qu'elle a le don, le même don que sa grand-mère. Alors commence la peur d'être suspectée à son tour. A leur arrivée en Amérique, les puritains constatent que les parents qu'ils devaient y retrouver se sont enfoncés dans les terres. Le petit groupe de Mary part alors à leur recherche mais l'hiver les prend de court et ils doivent s'installer avant de les avoir rejoints. Une petite ville se construit, dont Mary se sent exclue, au point de finir par devoir fuir pour ne pas être à son tour persécutée. Pour toute compagnie, elle tient au fil des jours son journal intime envers et contre tout.

Ce récit du voyage puis de l'installation en Nouvelle Angleterre d'une jeune fille et d'un groupe de puritains est très bien mené. Par petite touche la personnalité de la jeune fille se dessine et s'impose sur le carcan de plus en plus inquiétant que fait peser le maitre spirituel de la communauté. En filigrane on retrouve bien le monde de la sorcellerie, pas tant celle imaginée par ses pourfendeurs mais une magie plus ancienne, proche de la nature, celle des guérisseuses - la magie de "celles qui voient dans l'eau".
C'est un voyage au cœur du XVII ème siècle que nous offre ce livre, avec certes d'une part les intolérances religieuses, d'autre part la pauvreté inhérentes à cette période, mais aussi les espoirs qu'elle suscite en ce monde neuf. C'est la quête de ses origines d'une fillette en lutte contre les conventions sociales et religieuses, contre l'obscurantisme.